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CONTES D'AFRIQUE

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11 septembre 2012

TAMO, LA GRUE DE KOUROUGO

AVANT PROPOS

Lors d’un voyage au Burkina Faso, j’ai séjourné dans une auberge où j’ai côtoyé avec émerveillement une grue couronnée esseulée. Son histoire me fût contée et j'appris qu’elle y était en couple et que sa moitié était morte, la livrant à la solitude d’un petit jardin. L’aménagement de la cour semblait avoir eu pour objet d’enfouir dans l’oubli la perte de sa compagne.

L’imagination ayant fait le reste, l’inspiration a pris le relais pour retrouver la vaste forêt mythique, repaire perdu des grues de Kourougo, condamnées désormais à vivre à jamais en prisonnières en semi-liberté cloîtrées dans l’univers étroit du jardin d’une auberge de Ouagadougou.

Maam Daour Wade

 GRUES DE KOUROUGO 024

Je m’appelle Tamo, je suis une grue couronnée. Sur la tête j’ai une calotte noire et une touffe dorée à la nuque semblables à de fines aiguilles mais ces marques m’ont autrefois permis de trouver ma défunte compagne.

 Maintenant, je vis seule dans cette étroite cour où Maro ma compagne vivait à mes côtés.Nous étions en ce lieu là, toutes deux captives, attrapées dans l’immense territoire de la forêt de Kourougo.Il n’était pas vaste notre nouveau territoire qui s’étendait de la galerie de l’entrée au visage du pot cassé en deux, l'une des moitiés couchée, l’autre debout en face de la case Peulhe.

Entre ces limites, il y avait deux familles de bambous où des globes de lampes blancs GRUES DE KOUROUGO 004ont trouvé refuge et inondent les tiges vertes d’une lumière terne la nuit venue.

Un canari en argile cuite de couleur ocre, rose parmi les herbes vertes, couché sur le flanc attend avec impatience la saison des pluies pour emplir sa panse d’eau.

La case Mossi au toit de chaume et à la vitre d’exposition abritant deux chapeaux de paille décorés de lanières en cuir teintées en vert et marron; se dresse fièrement. Un beau tableau est accroché au mur extérieur de la case que domine un arbre à karité mort au tronc fort et aux branches élaguées, peint en bleu.

 A côté du chemin tapissé de planches en bois, bordé de verdure fleurie, la sculpture d’une grue couronnée géante est figée dans sa course, les pattes enfouies dans le gazon.

A l’autre bord du chemin en bois de l’allée centrale, deux autres canaris, couleur ocre défraîchie,  oubliés parmi les plantes aux bouts jaunis, entourées d’herbes,attendent aussi avec avidité que s’ouvrent les mannes du ciel.

La face du soldat au casque et à l’écharpe flottant au vent, s’accroche au piquet en bois que rongent des termites, abri  du gecko noctambule que les reflets des plateaux en cuivre d’en face éblouissent;les jours de grand soleil.

Les canapés couleur moutarde, installés en forme de L couché, protégés du soleil par un toit fait de bois intriqués,                                                                                                                                                                      

GRUES DE KOUROUGO 055

et envahis branches en lianes d’une vigne sauvage, laisse filtrer une lumière qui dessine des tâches d’ombres noires et claires sur le sol.

Assis sur sa natte,le vieux Mossi en bois, balafres aux tempes,coiffé d’un bonnet beige, le regard droit et fixé sur la panthère en bois d’ébène qui étouffe le bœuf en bois blanc trainard,contemple avec froideur ce spectacle où son autorité n’a aucune prise.

La mare miroir de la fontaine entourée d’une abondante végétation porte sur sa berge supérieure, le canari grenier plein de grains de mil et de sorgho à picorer.

Maro et moi avions fini dans nos

têtes par étirer notre univers jusqu’à en faire une étendue plus vaste que l’immense forêt de Kourougo qui nous a vu naître. Mais la forêt de Kourougo nous manquait et nous décidâmes ensemble de quitter ces lieux par l’une de ces nuits où il ferait une noirceur à couper au couteau. Nos plumes poussaient en secret sous nos ailes qui pourront bientôt nous libérer et l’impatience ténue de retourner à Kourougo nous tenaillait de plus en plus chaque nuit.

Un jour, nous fûmes attrapées et, malgré notre résistance et nos cris, nos plumes furent coupées en biseau aux ciseaux. Notre colère fut si

grande que nous refusâmes de nous nourrir et cela dura six  longs jours. Au début du septième jour, nous décidâmes que nous devions à nouveau nous rendre au canari grenier pour manger et boire à l’eau de la fontaine pour survivre et à deux, accomplir notre destin.Nous reprîmes goût à la vie et une fois de plus dans le plus grand des secrets nos plumes se remirent à pousser.

Le grand jour était pour demain quand la nuit étendra son voile d’ombres sur le jardin, troué çà et là de tâches de lumière. Le jour que nous attendions fut fatidique car Maro tomba malade d’un mal mystérieux.Son long cou gracieux sur son aile droite, son bec noir percé de narines creuses, s’ouvrait de temps à autre pour haleter. Dans un effort suprême, Maro me confia « il faudra accomplir ton destin » et sa tête tomba lentement sur le sol.Nos maîtres l’ont enterrée dans le jardin, non loin du soldat au casque et à l’écharpe. Une sculpture géante à son effigie fut érigée sur sa tombe.

Je fus inconsolable et laissai mes ailes pousser avec fureur, la rage au cœur et dans la profondeur insondable de la douleur de la perte de ma compagne. La vigilance relâchée de nos maîtres me fut favorable.Mes plumes longues et fortes bruissaient et me faisaient glousser d’un intense plaisir. *

Un soir de clair de lune, je pris mon envol, m’élevais dans les airs, planais un moment bien au dessus du jardin dans l’ivresse de ma liberté retrouvée.Soudain, mes larmes comme des gouttes de pluie se mirent à tomber et je les suivi et me retrouvais à califourchon sur la grue géante du jardin. La voix de ma compagne à mes oreilles résonna « il faut accomplir ton destin » répéta t-elle plusieurs fois.Dans ma tête  ce fut une longue tempête puis le calme et le silence revinrent.

GRUES DE KOUROUGO 033

Je sus alors  que plus jamais je ne retrouverai  la forêt de Kourougo, mon destin est ici à côtés de Maro.

Maam Daour Wade

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5 septembre 2012

LE PROCES DU VENTRE 2(SUITE & FIN)

MARMITE1_017

Soudain, une petite lueur apparait au loin devant le groupe qui se déplace tant bien que mal. Chacun redoublant d’ardeur comme attiré par cette lueur qui scintille au loin..

Mais, plus ils s’efforcent de marcher, plus la lumière s’éloigne tel un mirage dans un désert. Ils ont tous terriblement soif en cet endroit qui n’est pourtant pas sec du tout. Bientôt, la lueur se change en lumière, 
si vive que personne ne peut regarder en face. Et les villageois se retrouvent devant un énorme trône.

Une voix caverneuse de retentir :
- Je vous connais tous !
- Et vous êtes qui ?se hasarda la prêtresse
- l’Inconnu
- Laisse - nous retourner à notre village lance la prêtresse
- Certes, je le peux mais d’abord parlez
- De quoi ?
- De tout !
- Qui va parler le premier ?
- Le plus grand d’entre vous !
- Laissez passer ce dignitaire
- Il n’est point question de statut.
- Mère; dites à votre bébé qu’il a la parole
- Il n’est point question d’âge
- Illustre Inconnu, c’est quoi donc?
- Qu’ll vienne à moi le moins considéré d’entre vous ?
- Vous ne parlez tout de même pas de ce pauvre hère, vêtu de haillons sales et crasseux, qui ne déjeune, ni ne dîne et qui n’a pas de gîte ?
- Je ne parle pas de celui là !
- De qui parlez-vous donc ?
- De celui-là que vous n’aimez pas !
Les villageois se dévisagent, s’interpellent, s’interrogent jusqu’à ne plus savoir à quels saint se vouer.
La voix de l’Inconnu de retentir de nouveau.
- Eh, toi, la marmite, tu as la parole. 
La prêtresse se tourne vers la marmite et la supplie :
- “ De grâce, parle à l’Inconnu, notre sort est entre tes mains “

La marmite, toute noire, de haillons vêtue, adossée à son ballot, relève la tête et part dans un bouillonnement de rire fou.
- Moi ? J’ai la parole ? Puisque j’ai la Parole, plus personne n’a
la Parole. Plus personne n’aura plus la Parole. Je ne la rendrai pas avant d’en avoir cuit le contenu.

La voix de l’Inconnu tonne, relayée en écho par la cavité du ventre de la baleine :
- Eh,Toi, le plus grand d’entre ceux - ci, mijote ta parole. Qu’elle soit bien à point. Ni à demi-cuite, ni trop cuite, juste à point. Ensuite tu voudras bien nous la servir sans trahir la véracité de ta cuisson. Et quand tu auras fini, la Parole restera encore inépuisée.

La marmite, pleure à chaudes larmes un moment , se pavane, bouillonne encore de rire, laisse échapper de la vapeur par son couvercle avant de se tourner vers l’Inconnu :
-Cela fait si longtemps que je parle..Mais personne ne m’a jamais écouté. Qui va m’écouter aujourd’hui ? Vous ? Non. Vos oreilles ne veulent entendre mes paroles puisque je les leur adresse tous les jours

L’Inconnu :
- “ Parle, toutes les oreilles ici présentes t’écouteront aujourd’hui !”

La marmite se met à danser et à chanter, une chanson connue de tous les villageois. . 

Qui cuisine du matin - la marmite !
Qui chauffe ? -la marmite !
Jusqu’à cent ?- la marmite !
Qui bouillonne ?- la marmite !
Qui fait Teuf teuf teuf ? la marmite 
Et toute la famille mange- sans la marmite !
C’est le petit déjeuner ? sans la marmite !

Qui cuisine le jour ? la marmite !
Qui chauffe ? -la marmite
Jusqu’à cent ?- la marmite
Qui bouillonne ?- la marmite
Jusqu’à la cuisson ? -la marmite
Qui fait Peuf peuf peuf ?- la marmite
Et toute la famille mange- sans la marmite !
C’est le déjeuner ? Sans la marmite !

Qui cuisine le soir ? la marmite !
Qui chauffe ? -la marmite
Jusqu’à cent ?- la marmite
Qui bouillonne ?- la marmite
Jusqu’à la cuisson ? -la marmite
Qui fait Këf këf këf ?- la marmite
Et toute la famille mange- sans la marmite !
Qui prépare le dîner ? sans la marmite !

Quand vient l’heure de faire dodo
Moi je suis bien triste
Car je n’ai pas de lit.

Je dors à la belle étoile
Au beau milieu de la cour
Ou dans la cuisine
Avec des bols dans le ventre

Etrangère de la maison
Les flammes me lèchent
Me couvrent de suie
Me salissent le corps
Et vous ne me lavez pas !
Voilà mon amertume de marmite

Maam Daour Wade

3 septembre 2012

LE PROCES DU VENTRE

Un jour, les pêcheurs du paisible village de Yagur, prennent dans leurs filets une énorme baleine. Après une semaine de lutte farouche avec l'animal, ils parviennent à la faire échouer sur la plage.

Elle est si énorme cette baleine que sa tête surplombe les hauteurs de la falaise qui domine la mer, que de grosses vagues telles des messagères. Ces vagues vont et viennent pour en lécher les contreforts rocailleux couleur d’ébène qui brillent d’un éclat à la fois mystérieux et attirant. La baleine, entravée par les cordages des filets dont certains n’avaient pas encore cédé, halète. Elle projette de sa tête un énorme jet d'eau vers le ciel qui retombe sous formes de gouttelettes semblables à une pluie de Septembre.

Tous les villageois arrivent avec leurs haches, leurs cimeterres, leurs couteaux, coutelas et s’approchent du plus gros des habitants des mers avec la ferme intention de se la âartager. Silencieux, ils attendent que la baleine se calme, se mettent tout autour du géant et s'apprêtent à la découper en morceaux.Le premier qui frappe sur la baleine avec sa hache, se retrouve face contre terre comme terrassé par une force mystérieuse.Il en fut ainsi du second et du troisième et de tous ceux qui suivirent. Finalement, plus personne n'osa s'approcher de la baleine.

On fit appel à la prêtresse Ndare qui d'habitude organise les cérémonies d'exorcisme sur cette partie du littoral.Au son des tam-tams, on amène les animaux du sacrifice. D'abord un taureau rouge, ensuite une chèvre rousse puis un coq rouge et un coq blanc.On amène aussi les calebasses de lait caillé, les noix de cola, les dattes, les biscuits, les œufs, les galettes de mil et des bassines de farine de sorgho malaxé dans de l’eau.

Le tam-tam résonne et les pieds des danseurs et danseuses secouent le sable blanc et fin de la grève.Et d’une cadence régulière, les vagues effacent sans répit les empreintes de leurs pas incurvés dans le doux sable blanc.Le rythme des tam-tams s’endiable, danseurs et danseuses sont.hystériques. Le griot est là avec son petit tambour parleur. Il frappe avec une baguette recourbée la peau de la chèvre recouvrant l'une des extrémité du petit tambour parleur et elle semble bêler à une extrémité. A l’autre extrémité, la peau du varan semble glapir

Des femmes en transe,se jettent à terre, labourent de leurs mains le sable semblable à des grains de mil.Soudain, des hommes qui jusque là avaient résisté à l’appel des esprits, perdent leurs esprits et entrent aussi en transe. Ils se frappent leur poitrine de leurs poings fermés et se roulent à terre dans des sanglots rauques.

Enfin Ndare, la prêtresse apparait l'air assurée, toute éclatante  de lumière, coiffée d’un diadème orné de petits miroirs, réfléchissant les rayons du soleil par intermittence. Vêtue d’une camisole bardée de gris-gris et de perles de toutes les couleurs, formes et tailles, elle tient une queue de vache dans sa main droite. Au rythme des tam-tam et par intermittence Ndare fouette l'air d'un coup sec avec la queue de vache comme pour en chasser quelques esprits maléfiques invisibles,.

Un homme, à l'allure athlétique, dégoulinant de sueur, tient un coupe-coupe aiguisé, se fraie un passage dans la foule et fonce vers le taureau rouge.Il l'empoigne par les deux cornes et d'un geste rapide, le fait tomber au moment où une vague déferle sur le littoral. Les éclaboussures d'eau mélangée de sable s'élèvent, retombent et s’éparpillent sur les curieux aux alentours. Le brouhaha de la foule se mêle au meuglement de la bête mais le bruit des vagues qui s'écrasent tour à tour sur la grève, prend le dessus.

Le ciel tout d'un coup s'assombrit.

Le taureau git au sol couché sur son flanc droit les quatre pattes solidement attachées, l'oeil grand ouvert. Comme un éclair, l'homme au coupe-coupe, une sorte de malabar, d'un geste rapide,se saisit de l'oreille en forme de feuille incurvée de l’animal et en recouvre son oeil.Selon la tradition, il ne fait pas bon pour un humain de fixer le dernier regard d’un animal que l’on égorge.

La foule silencieuse, retient son souffle.Le tranchant de la lame glisse plusieurs fois sur la gorge du taureau mais aucune goutte de sang ne coule. Surprise, Ndaré la prêtresse, s'approche pour observer la scène.

C’est le moment où l'astre du jour prépare sa descente vers l’horizon et jette ses derniers rayons sur la foule bigarrée.

Alors, la grande baleine restée immobile, rompt les dernières cordes du filet qui l’entravent, ouvre largement sa gueule et d’un coup, happe tous les villageois.

Lorsque la baleine referme sa large bouche, les villageois se retrouvent tous ensemble sens dessus dessous au fond de son ventre ténébreux. Elle remue son énorme queue, se traine, glisse sur son ventre vers la mer, se remet à flôt, rejoint la haute mer et se laisse descendre lentement jusqu’au fond des océans

Dans le ventre de la baleine, Il fait une des nuits les plus noires, accompagnée d’une chaleur étouffante.

Les villageois saisis par une peur sans nom, crient, hurlent, pleurent, suent à grosses gouttes, tremblent, glissent, tombent, se relèvent pour retomber  à nouveau dans un cycle infini (A SUIVRE).

3 septembre 2012

DES PAROLES QUI COMPTENT


« Retenez toujours les premières paroles, elles renferment souvent tout le discours » (Bukki Njuur Sàmba)

« Il était une fois. Comme toujours... »
Dans une clairière de Ndumbelaan (1), par un jour ensoleillé, Bukki l’Hyène et Lëg Le lièvre, après un copieux déjeuner, se reposaient à l’ombre d’un tamarinier, l’arbre refuge des génies de la brousse, quand soudain, apparut une jeune lionne.

Elle portait sa robe de félin couleur de termitière, arborait des tresses qui tombaient sur ses joues arrondies de disquette. Ses boucles d’oreilles en or pur du Ngalam (2) scintillaient par intermittence.      

La jeune lionne marchait avec grâce, découvrant de temps à autre des dents d’une blancheur de lait, en promenant ses beaux yeux de fée sur ses terres familières.

L’apparition de cette créature avait captivé le regard de Bukki l’Hyène. Le cœur délicieusement rempli d’un sentiment trouble, envoutée, Bukki l’Hyène  succombe au coup de foudre.

Le temps de fermer ses yeux et de les rouvrir pour voir que ce n’était pas un rêve, la jeune lionne avait disparu de sa vue. Bukki  l’Hyène se tourne vers Lëg le lièvre, l’empoigne aux deux épaules, le supplie de le rassurer que ce n’était pas un être de rêve ou un génie de la brousse.

- C’est  Gayndette(3)  la princesse, cadette de Gayndé le lion, Roi de Ndumbelaan lui souffla Lëg le lièvre.

- « Son image est encore là dans ma tête. Elle m’a ravagé le cœur dès l’instant où je l’ai vue. Aides-moi Lëg, dis moi ce que je dois faire. »Le regard perdu, Bukki l’Hyène se mit à pleurer.

Lëg le Lièvre s’approche de son compagnon et lui souffle à l'oreille

« Quand on aime,  au lieu de pleurer, il faut parler. Va demander la main de Gayndette. Le Roi Gaynde sera heureux de te l’accorder ! »        

Bukki l’Hyène ricane :
- « Tu as encore mille fois raison, le plus malin de la brousse.  

  Tu seras mon émissaire auprès du roi. »

S’empresse de dire Bukki l’Hyène. 

Lëg le Lièvre lui répond : « Si tu remplis mes greniers avec un an de provisions en mil, de quoi nourrir ma famille, j’irai en ami porter ta parole au Roi Gaynde ! »

Bukki l’Hyène: « Je vais t’apporter autant de mil et d’herbe fraiche que tu voudras ! »

Lëg le Lièvre part avec Bukki l’Hyène qui lui remet du mil à foison et de l’herbe à gogo dont il remplit ses greniers. Alors Lëg le Lièvre confie à sa femme : « Je pars pour un voyage risqué. Je peux revenir comme je peux ne jamais revoir mais tu as de quoi nourrir la famille pour une année.» Il fait ses adieux à sa famille et rejoint Bukki l’Hyène, inspirée et impatiente qui l’attendait: « Voilà ce que tu diras au Roi comme si j’étais devant lui »:

« Moi Bukki Njuur j’adore Gayndette

  D’un bien profond amour je l’aime

  Je lui promets un très grand bonheur

  Roi Gaynde le Lion voudriez-vous nous marier?

  Sire, de grâce répondez-moi oui !»

Bukki l’Hyène ricane encore et ajoute: tu lui diras exactement cela, 
Lëg le Lièvre, un sourire en coin lui répond: volontiers mon ami ! J’ai toujours rêvé du jour où les barrières entre nos castes et nos clans tomberaient à Ndumbelaan. Les  élans longtemps contenus seraient libérés. Des traditions et coutumes dépassées, disparaitraient pour toujours.
- Cours et reviens vite me porter la bonne nouvelle ! soupire Bukki  l’Hyène, le regard perdu dans les branches de tamarinier dont les feuilles, sous le souffle d’un vent brusque, frissonnaient à l’unisson.

Lëg Le lièvre détale et fait des bonds rapides :

- Kappat-Kappati-Kappat, Kappati-Kappat (bis)

Lëg Le lièvre n’avait encore entamé son sixième bond que Bukki l’Hyène le rappelle à tue-tête : 
- Lëg ! Lëg ! Reviens ! Lëg Le lièvre s’arrête net, se retourne et tend ses longues oreilles vers Bukki l’Hyène, étalée de tout son long sous le tamarinier touffu. 
- J’allais oublier un tout petit détail mais qui a une grande importance pour moi. Quand tu auras fini de délivrer mes paroles au Roi Gaynde, le Lion,sers-toi de tes grandes oreilles  et  écoutes ! Ecoutes bien et retiens les toutes premières paroles du Roi Gaynde le Lion quand tu lui auras fait entendre les miennes.

De nouveau, Lëg le Lièvre détala.

- Kappat-Kappati-Kappat, Kappati-Kappat (bis)

Un instant plus tard, Lëg le Lièvre était introduit auprès du Roi  Gayndé le Lion. Lëg le Lièvre rapporte fidèlement les paroles de Bukki l’Hyène :

« Moi Bukki Njuur j’adore Gayndette

 D’un bien profond amour je l’aime

Je lui promets un très grand bonheur

Roi Gaynde le Lion voudriez-vous nous marier?

Sire, de grâce répondez-moi oui !»

Lëg le Lièvre venait de finir que sa majesté Gaynde s’écria :

-  Bukki Njuur? Bukki Njuur est amoureuse de ma fille cadette ?  

Les paroles qui jaillissent des entrailles de sa majesté font trembler le palais tout entier. Lëg le Lièvre terrifié, pense que sa dernière heure était arrivée. Roi Gayndé le Lion ferme ses yeux, s’agrippe à son trône, où ses griffes s’enfoncent. Il reste un long moment silencieux, une éternité pour Lëg le Lièvre. Les idées se bousculent dans la tête du Roi Gaynde le Lion : « Comment Bukki Njuur avait-il osé commettre ce sacrilège ? » Il a besoin d’une ruse pour attirer Bukki Njuur au palais pour lui faire payer son affront : « Je vais lui dire que j’accepte de le marier à Gayndette et qu’il va manger de la viande à volonté si seulement il consent à venir dare-dare me voir dans mon palais. »Le Roi Gaynde le Lion reprend ses esprits. Il se lève d’un bond et marche d’un pas ferme vers Lëg le Lièvre.

-         Karaas diŋŋ, karaas-Karaas didiŋŋ (bis)

Son manteau rouge et or balaie un tapis vert serti de diamants et d’émeraudes dont les éclats forment une constellation dansante d’étoiles éphémères. Arrivé devant Lëg le Lièvre, Roi Gayndé le Lion d’une voix mielleuse, entrecoupée de moments de silence, lui tient ce discours : « Voilà ce que tu diras à Bukki Njuur, comme si j’étais devant lui »

« Pour marier la Princesse Gayndette

Ton jour choisi sera le mien aussi

Viande abondante en brochette

Tu mangeras comme tu voudras

Viens vite mon beau fils Bukki»

Lëg Le lièvre n’en croyait pas ses longues oreilles mais admet tout de même avoir bien entendu ces paroles de sa Majesté Roi Gayndé le Lion car ses jambes ne tremblaient plus. Revenu à la hâte, Lëg Le Lièvre s’empresse de dire à Bukki l’Hyène  :  

Le Roi Gayndé le Lion t’attend au palais pour discuter avec toi des festivités de ton mariage avec Gayndette ! .

Bukki l’Hyène se lève, se met à ricaner, à chanter et à danser autour du tamarinier :

JAGARBANE, JAGARBANE

SABAR GA JËM NDAA PARK-PARK
DEMBAA NUUTE

NEE LEEN KUMBAA NUUTE CEERNO

BËY MBEMBE
BËY SAXULI BËÑI KOW

SAA NUKUS-NUKUS

JAATA RËPPEELU MBAY

JAMAANAATE

CËY LI CI SABAARAAN

MALUQI PENDA NDAAMAARAAS

NDAATELL, BËSËL ! »

Epuisé de fatigue mais heureux, Bukki l’Hyène se couche sur le dos et s’adresse à son ami :

- Lëg, maintenant, fouille bien dans ta mémoire. Rappelles-toi les toutes premières paroles du Roi Gaynde le Lion quand tu as fini de lui délivrer les miennes. Réfléchis bien et n’oublies aucun détail, si petit soit-il.

Lëg Le lièvre se terre dans un lourd silence puis répond :

- Je me souviens qu’au début il a hurlé : « Bukki ! Bukki est amoureux de ma fille cadette ? »

Son palais entier en a d’ailleurs tremblé mais il s’est aussitôt calmé. Ensuite il m’a adressé les paroles que je t’ai fidèlement rapportées.

Un tourbillon de vent, des génies en déplacement, s’élève, tournoie à un bout de la clairière et se dirige vers le tamarinier. Lëg le Lièvre et Bukki l’Hyène se levent rapidement et s’éloignent de la demeure des esprits de Njolloor(4)

A l’écart du tamarinier que secouait la furie des génies revenus de leur randonnée dans la brousse, Bukki l’Hyène, les yeux embués de larmes se tourne vers Lëg le Lièvre, lui serre la main et lui dit : 

- Merci Lëg. Quoi qu’en disent les mauvaises langues de Ndumbelaan et d’ailleurs, tu es mon ami. Les premières paroles de Roi Gaynde le Lion m’ont montré qu’il était furieux d’apprendre que j’éprouvais de l’Amour pour sa fille. Les belles paroles qu'il a dites après, c'était simplement pour m’attirer dans son palais pour me punir.

Bukki l’Hyène répète en riant : 

" Pour marier la Princesse Gayndette

Ton jour choisi sera le mien aussi

Viande abondante en brochette

Tu mangeras comme tu voudras

Viens vite Bukki mon beau fils"

Bukki l’Hyène rit longuement et dit à Lëg le Lièvre :

"Si j'avais commis l’erreur de me rendre au palais, Ndoumbelaan perdrait pour toujours l’un de ses plus célèbres fils. Lëg mon ami,quand tu entendras quelqu'un parler, ouvre les oreilles et écoutes et retiens les toutes premières paroles.  Ces paroles, cachent assez souvent ce que veut dire celui qui les prononce !»

Et le conte de se jeter à la mer. Soyez le premier à l’inspirer et vous irez au paradis !

Maam Daour WADE

Lexique :
1.Ndumbelaan : Pays mythique des animaux dans les contes Wolof
2.Ngalam : Contrée d’où l’or était extrait en Afrique de l’Ouest
3.Gayndette : une princesse de la famille du  roi Gaynde le lion
4.Njolloor : une période du jour se situant aux alentours de 14 heures propices à la ballade des génies

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CONTES D'AFRIQUE
  • Une des caractéristiques du conte tient à son oralité. Le conte est dit généralement au cours de veillées. Tous peuvent s’y adonner, les enfants comme les grandes personnes. Nous allons donc dire des contes et des comptines pour enfants sur ce blog.
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