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CONTES D'AFRIQUE
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11 septembre 2012

TAMO, LA GRUE DE KOUROUGO

AVANT PROPOS

Lors d’un voyage au Burkina Faso, j’ai séjourné dans une auberge où j’ai côtoyé avec émerveillement une grue couronnée esseulée. Son histoire me fût contée et j'appris qu’elle y était en couple et que sa moitié était morte, la livrant à la solitude d’un petit jardin. L’aménagement de la cour semblait avoir eu pour objet d’enfouir dans l’oubli la perte de sa compagne.

L’imagination ayant fait le reste, l’inspiration a pris le relais pour retrouver la vaste forêt mythique, repaire perdu des grues de Kourougo, condamnées désormais à vivre à jamais en prisonnières en semi-liberté cloîtrées dans l’univers étroit du jardin d’une auberge de Ouagadougou.

Maam Daour Wade

 GRUES DE KOUROUGO 024

Je m’appelle Tamo, je suis une grue couronnée. Sur la tête j’ai une calotte noire et une touffe dorée à la nuque semblables à de fines aiguilles mais ces marques m’ont autrefois permis de trouver ma défunte compagne.

 Maintenant, je vis seule dans cette étroite cour où Maro ma compagne vivait à mes côtés.Nous étions en ce lieu là, toutes deux captives, attrapées dans l’immense territoire de la forêt de Kourougo.Il n’était pas vaste notre nouveau territoire qui s’étendait de la galerie de l’entrée au visage du pot cassé en deux, l'une des moitiés couchée, l’autre debout en face de la case Peulhe.

Entre ces limites, il y avait deux familles de bambous où des globes de lampes blancs GRUES DE KOUROUGO 004ont trouvé refuge et inondent les tiges vertes d’une lumière terne la nuit venue.

Un canari en argile cuite de couleur ocre, rose parmi les herbes vertes, couché sur le flanc attend avec impatience la saison des pluies pour emplir sa panse d’eau.

La case Mossi au toit de chaume et à la vitre d’exposition abritant deux chapeaux de paille décorés de lanières en cuir teintées en vert et marron; se dresse fièrement. Un beau tableau est accroché au mur extérieur de la case que domine un arbre à karité mort au tronc fort et aux branches élaguées, peint en bleu.

 A côté du chemin tapissé de planches en bois, bordé de verdure fleurie, la sculpture d’une grue couronnée géante est figée dans sa course, les pattes enfouies dans le gazon.

A l’autre bord du chemin en bois de l’allée centrale, deux autres canaris, couleur ocre défraîchie,  oubliés parmi les plantes aux bouts jaunis, entourées d’herbes,attendent aussi avec avidité que s’ouvrent les mannes du ciel.

La face du soldat au casque et à l’écharpe flottant au vent, s’accroche au piquet en bois que rongent des termites, abri  du gecko noctambule que les reflets des plateaux en cuivre d’en face éblouissent;les jours de grand soleil.

Les canapés couleur moutarde, installés en forme de L couché, protégés du soleil par un toit fait de bois intriqués,                                                                                                                                                                      

GRUES DE KOUROUGO 055

et envahis branches en lianes d’une vigne sauvage, laisse filtrer une lumière qui dessine des tâches d’ombres noires et claires sur le sol.

Assis sur sa natte,le vieux Mossi en bois, balafres aux tempes,coiffé d’un bonnet beige, le regard droit et fixé sur la panthère en bois d’ébène qui étouffe le bœuf en bois blanc trainard,contemple avec froideur ce spectacle où son autorité n’a aucune prise.

La mare miroir de la fontaine entourée d’une abondante végétation porte sur sa berge supérieure, le canari grenier plein de grains de mil et de sorgho à picorer.

Maro et moi avions fini dans nos

têtes par étirer notre univers jusqu’à en faire une étendue plus vaste que l’immense forêt de Kourougo qui nous a vu naître. Mais la forêt de Kourougo nous manquait et nous décidâmes ensemble de quitter ces lieux par l’une de ces nuits où il ferait une noirceur à couper au couteau. Nos plumes poussaient en secret sous nos ailes qui pourront bientôt nous libérer et l’impatience ténue de retourner à Kourougo nous tenaillait de plus en plus chaque nuit.

Un jour, nous fûmes attrapées et, malgré notre résistance et nos cris, nos plumes furent coupées en biseau aux ciseaux. Notre colère fut si

grande que nous refusâmes de nous nourrir et cela dura six  longs jours. Au début du septième jour, nous décidâmes que nous devions à nouveau nous rendre au canari grenier pour manger et boire à l’eau de la fontaine pour survivre et à deux, accomplir notre destin.Nous reprîmes goût à la vie et une fois de plus dans le plus grand des secrets nos plumes se remirent à pousser.

Le grand jour était pour demain quand la nuit étendra son voile d’ombres sur le jardin, troué çà et là de tâches de lumière. Le jour que nous attendions fut fatidique car Maro tomba malade d’un mal mystérieux.Son long cou gracieux sur son aile droite, son bec noir percé de narines creuses, s’ouvrait de temps à autre pour haleter. Dans un effort suprême, Maro me confia « il faudra accomplir ton destin » et sa tête tomba lentement sur le sol.Nos maîtres l’ont enterrée dans le jardin, non loin du soldat au casque et à l’écharpe. Une sculpture géante à son effigie fut érigée sur sa tombe.

Je fus inconsolable et laissai mes ailes pousser avec fureur, la rage au cœur et dans la profondeur insondable de la douleur de la perte de ma compagne. La vigilance relâchée de nos maîtres me fut favorable.Mes plumes longues et fortes bruissaient et me faisaient glousser d’un intense plaisir. *

Un soir de clair de lune, je pris mon envol, m’élevais dans les airs, planais un moment bien au dessus du jardin dans l’ivresse de ma liberté retrouvée.Soudain, mes larmes comme des gouttes de pluie se mirent à tomber et je les suivi et me retrouvais à califourchon sur la grue géante du jardin. La voix de ma compagne à mes oreilles résonna « il faut accomplir ton destin » répéta t-elle plusieurs fois.Dans ma tête  ce fut une longue tempête puis le calme et le silence revinrent.

GRUES DE KOUROUGO 033

Je sus alors  que plus jamais je ne retrouverai  la forêt de Kourougo, mon destin est ici à côtés de Maro.

Maam Daour Wade

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  • Une des caractéristiques du conte tient à son oralité. Le conte est dit généralement au cours de veillées. Tous peuvent s’y adonner, les enfants comme les grandes personnes. Nous allons donc dire des contes et des comptines pour enfants sur ce blog.
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