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CONTES D'AFRIQUE
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3 septembre 2012

DES PAROLES QUI COMPTENT


« Retenez toujours les premières paroles, elles renferment souvent tout le discours » (Bukki Njuur Sàmba)

« Il était une fois. Comme toujours... »
Dans une clairière de Ndumbelaan (1), par un jour ensoleillé, Bukki l’Hyène et Lëg Le lièvre, après un copieux déjeuner, se reposaient à l’ombre d’un tamarinier, l’arbre refuge des génies de la brousse, quand soudain, apparut une jeune lionne.

Elle portait sa robe de félin couleur de termitière, arborait des tresses qui tombaient sur ses joues arrondies de disquette. Ses boucles d’oreilles en or pur du Ngalam (2) scintillaient par intermittence.      

La jeune lionne marchait avec grâce, découvrant de temps à autre des dents d’une blancheur de lait, en promenant ses beaux yeux de fée sur ses terres familières.

L’apparition de cette créature avait captivé le regard de Bukki l’Hyène. Le cœur délicieusement rempli d’un sentiment trouble, envoutée, Bukki l’Hyène  succombe au coup de foudre.

Le temps de fermer ses yeux et de les rouvrir pour voir que ce n’était pas un rêve, la jeune lionne avait disparu de sa vue. Bukki  l’Hyène se tourne vers Lëg le lièvre, l’empoigne aux deux épaules, le supplie de le rassurer que ce n’était pas un être de rêve ou un génie de la brousse.

- C’est  Gayndette(3)  la princesse, cadette de Gayndé le lion, Roi de Ndumbelaan lui souffla Lëg le lièvre.

- « Son image est encore là dans ma tête. Elle m’a ravagé le cœur dès l’instant où je l’ai vue. Aides-moi Lëg, dis moi ce que je dois faire. »Le regard perdu, Bukki l’Hyène se mit à pleurer.

Lëg le Lièvre s’approche de son compagnon et lui souffle à l'oreille

« Quand on aime,  au lieu de pleurer, il faut parler. Va demander la main de Gayndette. Le Roi Gaynde sera heureux de te l’accorder ! »        

Bukki l’Hyène ricane :
- « Tu as encore mille fois raison, le plus malin de la brousse.  

  Tu seras mon émissaire auprès du roi. »

S’empresse de dire Bukki l’Hyène. 

Lëg le Lièvre lui répond : « Si tu remplis mes greniers avec un an de provisions en mil, de quoi nourrir ma famille, j’irai en ami porter ta parole au Roi Gaynde ! »

Bukki l’Hyène: « Je vais t’apporter autant de mil et d’herbe fraiche que tu voudras ! »

Lëg le Lièvre part avec Bukki l’Hyène qui lui remet du mil à foison et de l’herbe à gogo dont il remplit ses greniers. Alors Lëg le Lièvre confie à sa femme : « Je pars pour un voyage risqué. Je peux revenir comme je peux ne jamais revoir mais tu as de quoi nourrir la famille pour une année.» Il fait ses adieux à sa famille et rejoint Bukki l’Hyène, inspirée et impatiente qui l’attendait: « Voilà ce que tu diras au Roi comme si j’étais devant lui »:

« Moi Bukki Njuur j’adore Gayndette

  D’un bien profond amour je l’aime

  Je lui promets un très grand bonheur

  Roi Gaynde le Lion voudriez-vous nous marier?

  Sire, de grâce répondez-moi oui !»

Bukki l’Hyène ricane encore et ajoute: tu lui diras exactement cela, 
Lëg le Lièvre, un sourire en coin lui répond: volontiers mon ami ! J’ai toujours rêvé du jour où les barrières entre nos castes et nos clans tomberaient à Ndumbelaan. Les  élans longtemps contenus seraient libérés. Des traditions et coutumes dépassées, disparaitraient pour toujours.
- Cours et reviens vite me porter la bonne nouvelle ! soupire Bukki  l’Hyène, le regard perdu dans les branches de tamarinier dont les feuilles, sous le souffle d’un vent brusque, frissonnaient à l’unisson.

Lëg Le lièvre détale et fait des bonds rapides :

- Kappat-Kappati-Kappat, Kappati-Kappat (bis)

Lëg Le lièvre n’avait encore entamé son sixième bond que Bukki l’Hyène le rappelle à tue-tête : 
- Lëg ! Lëg ! Reviens ! Lëg Le lièvre s’arrête net, se retourne et tend ses longues oreilles vers Bukki l’Hyène, étalée de tout son long sous le tamarinier touffu. 
- J’allais oublier un tout petit détail mais qui a une grande importance pour moi. Quand tu auras fini de délivrer mes paroles au Roi Gaynde, le Lion,sers-toi de tes grandes oreilles  et  écoutes ! Ecoutes bien et retiens les toutes premières paroles du Roi Gaynde le Lion quand tu lui auras fait entendre les miennes.

De nouveau, Lëg le Lièvre détala.

- Kappat-Kappati-Kappat, Kappati-Kappat (bis)

Un instant plus tard, Lëg le Lièvre était introduit auprès du Roi  Gayndé le Lion. Lëg le Lièvre rapporte fidèlement les paroles de Bukki l’Hyène :

« Moi Bukki Njuur j’adore Gayndette

 D’un bien profond amour je l’aime

Je lui promets un très grand bonheur

Roi Gaynde le Lion voudriez-vous nous marier?

Sire, de grâce répondez-moi oui !»

Lëg le Lièvre venait de finir que sa majesté Gaynde s’écria :

-  Bukki Njuur? Bukki Njuur est amoureuse de ma fille cadette ?  

Les paroles qui jaillissent des entrailles de sa majesté font trembler le palais tout entier. Lëg le Lièvre terrifié, pense que sa dernière heure était arrivée. Roi Gayndé le Lion ferme ses yeux, s’agrippe à son trône, où ses griffes s’enfoncent. Il reste un long moment silencieux, une éternité pour Lëg le Lièvre. Les idées se bousculent dans la tête du Roi Gaynde le Lion : « Comment Bukki Njuur avait-il osé commettre ce sacrilège ? » Il a besoin d’une ruse pour attirer Bukki Njuur au palais pour lui faire payer son affront : « Je vais lui dire que j’accepte de le marier à Gayndette et qu’il va manger de la viande à volonté si seulement il consent à venir dare-dare me voir dans mon palais. »Le Roi Gaynde le Lion reprend ses esprits. Il se lève d’un bond et marche d’un pas ferme vers Lëg le Lièvre.

-         Karaas diŋŋ, karaas-Karaas didiŋŋ (bis)

Son manteau rouge et or balaie un tapis vert serti de diamants et d’émeraudes dont les éclats forment une constellation dansante d’étoiles éphémères. Arrivé devant Lëg le Lièvre, Roi Gayndé le Lion d’une voix mielleuse, entrecoupée de moments de silence, lui tient ce discours : « Voilà ce que tu diras à Bukki Njuur, comme si j’étais devant lui »

« Pour marier la Princesse Gayndette

Ton jour choisi sera le mien aussi

Viande abondante en brochette

Tu mangeras comme tu voudras

Viens vite mon beau fils Bukki»

Lëg Le lièvre n’en croyait pas ses longues oreilles mais admet tout de même avoir bien entendu ces paroles de sa Majesté Roi Gayndé le Lion car ses jambes ne tremblaient plus. Revenu à la hâte, Lëg Le Lièvre s’empresse de dire à Bukki l’Hyène  :  

Le Roi Gayndé le Lion t’attend au palais pour discuter avec toi des festivités de ton mariage avec Gayndette ! .

Bukki l’Hyène se lève, se met à ricaner, à chanter et à danser autour du tamarinier :

JAGARBANE, JAGARBANE

SABAR GA JËM NDAA PARK-PARK
DEMBAA NUUTE

NEE LEEN KUMBAA NUUTE CEERNO

BËY MBEMBE
BËY SAXULI BËÑI KOW

SAA NUKUS-NUKUS

JAATA RËPPEELU MBAY

JAMAANAATE

CËY LI CI SABAARAAN

MALUQI PENDA NDAAMAARAAS

NDAATELL, BËSËL ! »

Epuisé de fatigue mais heureux, Bukki l’Hyène se couche sur le dos et s’adresse à son ami :

- Lëg, maintenant, fouille bien dans ta mémoire. Rappelles-toi les toutes premières paroles du Roi Gaynde le Lion quand tu as fini de lui délivrer les miennes. Réfléchis bien et n’oublies aucun détail, si petit soit-il.

Lëg Le lièvre se terre dans un lourd silence puis répond :

- Je me souviens qu’au début il a hurlé : « Bukki ! Bukki est amoureux de ma fille cadette ? »

Son palais entier en a d’ailleurs tremblé mais il s’est aussitôt calmé. Ensuite il m’a adressé les paroles que je t’ai fidèlement rapportées.

Un tourbillon de vent, des génies en déplacement, s’élève, tournoie à un bout de la clairière et se dirige vers le tamarinier. Lëg le Lièvre et Bukki l’Hyène se levent rapidement et s’éloignent de la demeure des esprits de Njolloor(4)

A l’écart du tamarinier que secouait la furie des génies revenus de leur randonnée dans la brousse, Bukki l’Hyène, les yeux embués de larmes se tourne vers Lëg le Lièvre, lui serre la main et lui dit : 

- Merci Lëg. Quoi qu’en disent les mauvaises langues de Ndumbelaan et d’ailleurs, tu es mon ami. Les premières paroles de Roi Gaynde le Lion m’ont montré qu’il était furieux d’apprendre que j’éprouvais de l’Amour pour sa fille. Les belles paroles qu'il a dites après, c'était simplement pour m’attirer dans son palais pour me punir.

Bukki l’Hyène répète en riant : 

" Pour marier la Princesse Gayndette

Ton jour choisi sera le mien aussi

Viande abondante en brochette

Tu mangeras comme tu voudras

Viens vite Bukki mon beau fils"

Bukki l’Hyène rit longuement et dit à Lëg le Lièvre :

"Si j'avais commis l’erreur de me rendre au palais, Ndoumbelaan perdrait pour toujours l’un de ses plus célèbres fils. Lëg mon ami,quand tu entendras quelqu'un parler, ouvre les oreilles et écoutes et retiens les toutes premières paroles.  Ces paroles, cachent assez souvent ce que veut dire celui qui les prononce !»

Et le conte de se jeter à la mer. Soyez le premier à l’inspirer et vous irez au paradis !

Maam Daour WADE

Lexique :
1.Ndumbelaan : Pays mythique des animaux dans les contes Wolof
2.Ngalam : Contrée d’où l’or était extrait en Afrique de l’Ouest
3.Gayndette : une princesse de la famille du  roi Gaynde le lion
4.Njolloor : une période du jour se situant aux alentours de 14 heures propices à la ballade des génies

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  • Une des caractéristiques du conte tient à son oralité. Le conte est dit généralement au cours de veillées. Tous peuvent s’y adonner, les enfants comme les grandes personnes. Nous allons donc dire des contes et des comptines pour enfants sur ce blog.
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